Catégorie : Textes de L’Envolée

  • DARMANIN DÉCLARE LA GUERRE AUX PRISONNIER·ES

    DARMANIN DÉCLARE LA GUERRE AUX PRISONNIER·ES

    Chapitre 2 : Tout le monde au cachot !

    Maintenant qu’il a supprimé les activités en détention, Darmanin poursuit son offensive démago-sécuritaire, cette fois-ci sous le pavillon de la « guerre au narcotrafic ». D’ici quelques mois, les quartiers ultra sécuritaires promis aux « plus-terribles-narcotrafiquants-de-France » qui devraient ouvrir à Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil vont rendre encore plus invivables leurs régimes d’isolement déjà bien mortifères… D’autres ouvertures déjà annoncées visent à étendre ce régime à plus de 600 prisonniers. Ces annonces n’ont rien de nouveau, c’est tout simplement le durcissement du « système Condé » : isolement quasi total pour les prisonniers et moyens décuplés pour les surveillants. Comment ne pas craindre son extension à l’infini, et un méchant tour de vis dans toutes les détentions…

    Condé et Vendin : « des machines à broyer »

    Inventés sous Jospin et inaugurés par Taubira en 2013 et 2014, les centres pénitentiaires d’Alençon-Condé-sur-Sarthe et de Vendin-le-Vieil sont des tombeaux hypersécuritaires blindés de technologies de surveillance. Conçus pour empêcher toute communication entre les prisonniers, ces établissements sont segmentés en ailes d’une douzaine de personnes maximum. Pas de sortie de cellule sans escorte ; tous les mouvements sont gérés par vidéosurveillance et sas à fermeture électronique. Pas de gourbi (petit espace de convivialité arraché à l’administration pénitentiaire) et le régime « portes fermées » ne permet pas non plus de se réunir en cellule. Dans ces taules-là, pas de « surpopulation » : Condé compte officiellement 195 places et Vendin 135, mais une centaine de prisonniers seulement y sont enfermés pour assurer un ratio de trois à quatre surveillants par prisonnier. Ces taules ont été spécialement conçues pour casser en quelques mois des prisonniers longue peine – qui y passent en fait de longues années… En centrale, les prisonniers avaient obtenu un minimum d’aménagements de leurs conditions de détention, comme le régime « portes ouvertes » ou un peu plus d’activités. À Condé et Vendin, ces acquis arrachés de haute lutte ont été supprimés dès l’ouverture, puis redistillés au compte-goutte, juste assez pour pas que ça pète… en attendant de nouveaux durcissements.

    Les prisonniers ont tout de suite dénoncé ces mouroirs modernes : « Ces tombeaux de la mort, ces nouvelles merdes de prison, faut les détruire. C’est pas acceptable de vivre avec les peines infinies qu’on a à faire. Ils sont en train de construire des QHS (quartier de haute sécurité) dans des centrales modernes. » « La direction nous pousse à commettre des actes, car Condé-sur-Sarthe est un QHS amélioré : on est tout le temps en cellule, on n’a pas d’activités… C’est pour ça qu’il y a des mouvements et une prise d’otage. Moi, je suis déterminé à ne pas me laisser faire, car pour le système Condé on est des cobayes. » « C’est très difficile mentalement de savoir qu’on est dans un espace aussi réduit, c’est pas fait pour garder des gens à long terme pendant des années. Ça brise un homme, mentalement, c’est fait pour broyer un homme. Certes, la prison, c’est difficile. Mais là, ça a rien à voir, c’est des machines à broyer. »

    QHS, QI, « narcoprisons » : toujours la même torture blanche

    Suite aux luttes des prisonniers, la « gauche de gouvernement » a fermé les quartiers de haute sécurité (QHS) en 1982… pour les remplacer aussitôt par les quartiers d’isolement (QI). Un nouveau sigle, un petit coup de peinture, une grille ou deux en moins, et le tour était joué… Trente ans plus tard, la même « gauche » a appliqué le modèle des quartiers d’isolement à l’échelle d’établissements entiers avec l’ouverture de Condé et de Vendin.

    Évidemment, les conséquences de la torture blanche, elles, restent les mêmes. Un prisonnier les analysait encore récemment depuis Bois-d’Arcy : « Les problèmes de concentration, les difficultés à construire sa pensée, l’hébétude, la perte de repères temporels, les maux de tête, les vertiges, loin de disparaître avec le temps, se sont amplifiés et généralisés ; ils sont devenus monnaie courante ou normalité. »1 « Les QHS sont la forme futuriste de la peine capitale, dénonçaient déjà des prisonniers en 1978 ; on y assassine le mental en mettant en place le système d’oppression carcérale à outrance, conduisant à la mort par misère psychologique […] N’attendez pas d’être acculés à la torture par l’isolement et la privation sensorielle, comme c’est le cas pour nous en ces quartiers d’assassinat lent et propre vers lesquels l’administration évacue tous les détenus qui luttent pour sauvegarder leur dignité humaine en refusent de se laisser amputer de la parole par des traitements concentrationnaires. » 2 À l’ouverture de Condé, un prisonnier expliquait : « Condé est un QHS qui est fait pour casser les gens psychologiquement. Mais il n’y a pas beaucoup de révolte, ce qui fait que c’est plus facile pour l’AP de nous contrôler. Comme je le dis, il faut faire une action comme dans les années 1980. Cela veut dire monter un comité d’action des prisonniers pour pouvoir fermer ces tombeaux ouverts. »

    On peut toujours faire pire

    Dans un esprit de saine émulation, Gérald a rendu une visite de courtoisie au gouvernement d’extrême-droite de Giorgia Meloni. C’est qu’il s’intéresse au régime pénitentiaire 41bis : mis en place par les socialistes en 1992 pour lutter contre la mafia, ce régime s’est évidemment rapidement étendu à d’autres catégories de prisonniers. Près de 800 prisonniers italiens subissent ce régime de torture sensorielle : isolement quasi total sous vidéosurveillance 24 heures sur 24, sans communication téléphonique, un seul parloir mensuel d’une heure derrière une vitre blindée, en présence d’un maton – et qui peut être remplacé par un coup de fil… Deux heures de promenade quotidienne en groupes de quatre, aucun accès aux espaces collectifs, interdiction de travailler et de prendre part aux activités. Le seul moyen d’y échapper, c’est d’obtenir le statut de « collaborateur de justice » ; autrement dit, de poukave.Manifestement, ça l’a inspiré, vu ce qu’il annonce : interdiction de sortir de l’établissement, audiences avec les magistrats en visioconférence, parloirs hygiaphone empêchant tout contact, fouilles à nu systématique après les parloirs – même les parloirs avocat –, suppression de l’accès aux unités de vie familiale (UVF) et aux parloirs famille ; réduction du droit de téléphoner à trois fois deux heures par semaine, deux heures de promenade quotidienne, toujours à l’isolement et interdiction de travailler ou de participer à d’autres activités. Il est question de réduire encore plus les contacts entre prisonniers à Condé et Vendin en n’en laissant que quatre ou cinq par aile de la détention. Le fanstasme avoué de Darmanin, c’est de leur imposer cette torture blanche pendant quatre ans sans possibilité d’aménagement, sur décision du ministre (lui). Et puis allez, ça sera pour tous les prisonniers de la centrale, pas juste pour ceux qui sont impliqués dans des affaires de trafic comme le slogan de « narco-prison » pouvait le laisser entendre. Ce durcissement déjà officiellement annoncé pour les prisonniers étiquetés terroristes ne demande qu’à continuer à s’étendre puisque le nom officiel de ces nouveaux quartiers de « lutte contre la criminalité organisée » dit bien tout leur potentiel d’extension. En grand humaniste, Darmanin a demandé leur avis aux sages du Conseil d’État, qui ont trouvé que ça allait ; ils ont juste tiqué sur les fouilles à nu après les parloirs avocat·es et abaissé à deux ans l’impossibilité d’aménagement.

    Après un long suspense bidon destiné à faire monter la sauce médiatique, le sinistre ministre a finalement donné les noms des établissements appelés à devenir des méga QHS : Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil ! Tu parles d’une surprise… Y a presque rien à faire : l’architecture de ces établissements ultrasécuritaires permet déjà l’isolement quasi total des prisonniers, et leur personnel est déjà rodé à un régime d’isolement et de violence extrême. À côté de Condé, en plus, il y a le tribunal d’Alençon, qui est déjà une sorte d’annexe de la taule bien pratique pour coller des années de prison supplémentaires à ceux qui résistent au sort qui leur est fait ; dans la rafale d’annonces darmaniennes, il y a d’ailleurs aussi celle du renforcement des moyens des tribunaux qui sévissent à proximité de ces taules.

    Une boutique à entretenir

    « C’est comme une boutique qu’il faut entretenir. Condé a la réputation d’être la centrale la plus sécuritaire de France. Donc, s’il y a rien qui se passe, les gens vont dire que tous ces moyens ne sont pas justifiés. C’est une prison où on est sept ou huit dans l’aile, il y a trois surveillants pour ouvrir une porte à la fois, avec cinq caméras. Il y a plus de 250 surveillants pour 100 détenus. Niveau moyens humains et matériels, ils ont tout ce qu’il faut, ils peuvent pas se plaindre. Ils ne peuvent pas demander plus. Alors pour justifier ces moyens énormes, on va faire en sorte que ça se passe mal à l’intérieur », expliquait en 2019 à l’antenne un prisonnier tout juste sorti de Condé.

    Faut dire que les matons avaient déjà à peu près tout – après leur blocage de Condé en mars 2019, ils avaient même obtenu une salle de sport rien que pour eux ! Qu’à cela ne tienne, on leur a quand même promis des nouveaux portails millimétriques plus performants, et des primes contre quelques semaines de formation – faut-il en conclure qu’il leur sera plus difficile de se faire un treizième, voire un quatorzième ou quinzième mois en faisant rentrer des téléphones et des consommables ? Et puis, tout comme l’interdiction des activités, le durcissement des conditions de détention est synonyme de charge de travail allégée pour eux : la réduction drastique de l’accès des prisonniers à la cabine leur permettra d’écouter toutes les conversations tranquillement en direct, par exemple.

    Une peine complémentaire d’isolement total au bon vouloir du ministre

    Ces régimes ont déjà été testés sur des prisonniers dont l’administration pénitentiaire veut se venger, comme Rédoine Faïd, qui subit ce type de régime depuis son évasion, ou sur d’autres dont l’administration pénitentiaire n’a pas à craindre qu’une solidarité collective se dresse contre leurs conditions de détention, comme Salah Abdelslam. C’est qu’il s’agit de « discriminer les prisonniers » : le ministre se flatte avec son administration de faire le tri entre « bons » et « mauvais » prisonniers au moyen de peines complémentaires. Les juges peuvent déjà décider de l’élimination sociale d’une personne en le condamnant à une peine infinie, et la pénitentiaire va encore le surcondamner à l’isolement total… Le pire, c’est que l’affectation à ces nouveaux quartiers de régime dur pourrait aussi bien être appliquée à des prisonniers en détention provisoire sur simple décision du ministère, épaulé par les juges d’instruction et les renseignements pénitentiaires.

    C’est le vieux coup de la dangerosité, et c’est le ministre qui collera les étiquettes : Si un prisonnier se rebiffe, on dit qu’il est dangereux, alors on le met à l’isolement. Et s’il est à l’isolement, c’est sûrement qu’il est dangereux ! « Mais, là aussi, peut-on encore parler de peine ? Ses finalités habituelles disparaissent devant une fonction purement sécuritaire. Le pire est que plus rien ne masque une volonté d’exclusion fondée sur des postulats d’incurabilité et d’appartenance à des catégories à risque. » [Mounir, avril 2021.]

    L’Envolée, mars 2025.

    1 Libre Flot, quartier d’isolement de Bois d’Arcy, Juin 2021.

    2 T. Hadjadj, R. Knobelspiess, J. Mesrine, F. Besse, J.M. Boudin, M. Desposito, D. Debrielle, 2 janvier 1978, dans le journal Le Monde.

  • DARMANIN DÉCLARE LA GUERRE AUX PRISONNIER·ES

    DARMANIN DÉCLARE LA GUERRE AUX PRISONNIER·ES

    Chapitre 1 : privés d’activités

    Il y a deux ans et demi, histoire de toujours bien rappeler que la prison est là pour que celles et ceux qui y sont enfermés prennent cher, la presse d’extrême droite brandissait l’éternel épouvantail de la prison Club Med à propos d’une dizaine de prisonniers qui avaient fait quelques tours de karting dans une cour de promenade de Fresnes. L’Envolée écrivait à l’époque : « Reste à espérer que les pouvoirs publics ne se jettent pas sur l’occasion comme à leur habitude pour faire passer de nouvelles lois scélérates dégradant encore un peu plus les conditions de vie des enfermé·es… » Toujours prêt à faire plaisir aux fachos, Dupont-Moretti – alors ministre des tribunaux et des prisons – avait joué les petits durs dans une circulaire qui disait que les activités devaient désormais être validées en haut lieu – ça s’était pas senti à l’intérieur des murs, mais ce n’était que partie remise, hélas.

    Une sale tambouille

    Dernièrement, ils ont refait le même coup ; la recette, on commence à la connaître.

    – Prenez une belle bouillie médiatique de désinformation syndicale sauce matons ;
    – Faites-la monter en mayonnaise par le chœur des éditocrates démagos ;
    – Saupoudrez de réactions à chaud de petit chef ;
    – Enfournez des directives immédiatement exécutoires et servez chaud.

    Mais cette fois, le résultat, c’est une circulaire tyrannique, aux conséquences tragiques pour les prisonnier·es puisqu’il s’agit de leur retirer les derniers pauvres espaces collectifs qui restent en taule par le gel de l’essentiel des activités.

    D’abord le mensonge

    Disons une fausse information : à la Saint-Valentin, des étudiantes en esthétique auraient prodigué des soins du visage à des personnes détenues… « Et qui c’est qui paie ? », se sont vertueusement étranglé les commentateurs. Bon, en fait, elles leur ont simplement donné des conseils et des recettes… et sans être rémunérées. Cette infox bien croustillante sort évidemment tout droit d’un tract du syndicat FO-Justice de la maison d’arrêt de Seysses. La presse adore relayer aveuglément toutes leurs calomnies et toutes leurs insultes contre les prisonnier·es.

    Encore une darmanerie

    Pour Gérald, l’occasion de piquer quelques voix au RN était trop belle ! Il s’est jeté sur les micros direct pour prendre des décisions brutales contre celles et ceux sur lesquels on peut taper tranquillement – tout en dorlotant les matons et leurs syndicats. Bam, en moins de soixante-douze heures, la circulaire a exaucé la vieille revendication des syndicats que « de telles activités » ne puissent plus avoir lieu en interdisant les activités « ludiques ou provocantes » (!) Le ministère devra dorénavant s’assurer que les activités proposées rentrent dans les champs éducatif, socioculturel ou sportif. Vu l’atmosphère du moment, les rares contestations sont restées inaudibles.

    Privés d’oxygène

    « Lorsque l’on se retrouve coincé entre quatre murs, on a bien sûr envie d’occuper son temps. On cherche à sortir, à s’évader l’esprit. Et faute de pouvoir sortir de ce lieu sordide, alors on cherche un moyen pour passer du temps hors de sa cellule, s’offrir un instant qui procure l’illusion du dehors » expliquait une prisonnière enfermée dans une maison d’arrêt du sud de la France. Pour Khaled, vieux compagnon de L’Envolée à l’intérieur puis à l’extérieur, ces activités sont « une bulle d’oxygène, et ça permet d’aller à la rencontre de femmes et d’hommes qui viennent de l’extérieur. C’est vital. Je me suis rendu compte au fil des années que j’avais besoin de ces ponts entre le dedans et le dehors. »

    Encore des remises de peine en moins (déjà qu’y en avait pas trop)

    Les activités peuvent faciliter l’obtention de remises de peine supplémentaires (RPS) ; c’est pour ça qu’elles ne sont pas proposées à tout le monde. Ainsi les DPS (détenu·es particulièrement signalé·es), entre autres privations, sont très souvent interdits d’activité. La matonnerie se sert des activités pour récompenser les « détenus quasi-modèles », comme l’expliquait Julien dans sa dernière lettre de Seysses. D’ailleurs « l’administration pénitentiaire et le ministère de la justice se servent toujours de la culture pour présenter la prison en disant : “voyez, ils font de la guitare, ils font du théâtre, ils font des ateliers d’écriture…”, mais sur huit cents prisonniers, il y en a vingt qui participent à ça, et les autres… crèvent, quoi », rappelait Hafed en son temps. À l’antenne, Khaled encore décryptait les critères de sélection des Spip (service pénitentiaire d’insertion et de probation) : « L’administration pénitentiaire trie un peu sur le volet. C’est elle qui décide qui participe à ces activités. Les moutons, en général, c’est les premiers qu’ils prennent sur la liste des activités ; surtout lorsque c’est des intervenants extérieurs qui viennent car, à un moment donné, on va certainement parler de comment ça se passe à l’intérieur, et bien sûr, ça, c’est le diable pour la pénitentiaire. »

    Caresses aux porte-clés et dirlos tout-puissants

    Cette attaque frontale contre les prisonnier·es permet à Darmanin de cajoler les surveillants au passage. Vous êtes débordés à cause de la surpopulation ? On va vous enlever des tâches à l’intérieur de la détention : moins d’activités, c’est moins de mouvements à encadrer pour les matons… et plus de temps en cellule pour les prisonnier·es.

    À part le scolaire et le sport, toutes les activités ont donc été suspendues dans tous les établissements d’Île-de-France – et probablement dans tout le pays – le 24 février. Dorénavant, c’est à chaque directeur d’établissement de redonner – au compte-gouttes, après évaluation – les autorisations aux activités ; un certain nombre vont rester sur le carreau. Les chefs d’établissement ont maintenant les mains libres pour faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre en fonction des rapports de force locaux entre prisonnier·es et matons.

    Cette attaque frontale n’est que le premier chapitre de l’offensive générale que Darmanin a lancée contre les prisonnier·es dès son entrée en fonction. De la torture blanche de l’isolement promise à des centaines de prisonnier·es dans des établissements transformés en QHS géants à l’allongement vertigineux des peines par la prétendue loi narcotrafic – qui ratisse en fait bien plus large –, les mesures annoncées vont automatiquement entraîner une augmentation considérable du nombre des prisonniers, qui a déjà dépassé les 80 000 cet hiver. Sans cesser de chercher les moyens de répondre à ce brutal coup d’accélérateur de la coercition tous azimuts, nous continuerons dans les temps qui viennent à en détailler ici les orientations et les conséquences.

  • Il y a un an, la prison tuait Romain Leroy

    Il y a un an, la prison tuait Romain Leroy

    Le 9 août 2022, Romain Leroy prisonnier longue peine, correspondant de l’Envolée, est mort. Il est mort d’une rupture de l’aorte. Il avait 38 ans.

    Notre ami et allié, ce papa et mari est parti pour toujours.

    Il est mort de la prison. (Le numéro 56 du journal en hommage à Romain est dispo ici).

    De transfert en transfert, il est passé par les prisons les plus sécuritaires de France. Quartier disciplinaire, isolement, acharnement… parce qu’il refusait de laisser la taule le broyer.

    En 2016 il décide de prendre la parole publiquement. Cette prise de parole, État et médias l’ont appelé « la mutinerie de Valence ». Sans ce mouvement collectif, personne n’aurait daigné tendre ne serait-ce qu’une oreille pour entendre la réalité des conditions carcérales. Lisez ou relisez ses déclarations au procès de cette révolte et cette lettre qu’il avait écrite à l’époque pour expliquer son geste.

    Sans vouloir être un héros, Romain voulait raconter, dénoncer et combattre les vrais drames de la taule, ceux qui sont vécus par tous les prisonnier·es, toutes les familles : le manque de soin, les morts suspectes, les difficultés de rapprochement familial, l’isolement, l’absence de respect des droits les plus élémentaires des prisonnier·es, etc.

    L’administration pénitentiaire n’a pas de cœur, c’est normal, mais elle a de la mémoire et la vengeance tenace. Jamais, elle n’a pu pardonner à Romain ces prises de parole.

    A chacune de ses interventions publiques, Adeline, sa compagne, raconte cette vengeance pénitentiaire (notamment dans cette émission). Elle l’a subie, elle aussi, au fil des ans ; mais sans relâche, elle continue de se battre.

    Nous pensons à elle aujourd’hui, ainsi qu’à leur petite fille qui n’aura connu son papa qu’à travers les barreaux.

    Nous pensons à Romain qui a su rester fier, droit, sincère, humain et vrai.

    Si l’administration l’a qualifié de « dangereux » c’est parce qu’il a contribué à faire entendre la vérité sur la prison et le sort réservé aux prisonnier·es longues peines.

    Nous le remercions pour cela et sommes fier·es d’avoir lutté à ses côtés.

    Malgré la censure, nous ne le répèterons jamais assez : la  prison tue !

    Le combat continue, y’a pas d’arrangement !

  • COMMENT RESTER CALME QUAND LA POLICE NOUS NARGUE ENCORE EN PLEIN DEUIL

    COMMENT RESTER CALME QUAND LA POLICE NOUS NARGUE ENCORE EN PLEIN DEUIL

    Cri du cœur d’une habitante des quartiers populaires

    Se faire insulter ou salir, frapper ou humilier, mourir d’une balle dans la tête ou étouffé... Voilà le lot de nos jeunes dans les quartiers. Nous, parents, grands frères, grandes sœurs à qui on demande aujourd’hui de faire des appels aux calme, nous avons tenté de dénoncer tout ça il y a dix-huit ans déjà, après la mort de Zied et Bouna, morts d’avoir été poursuivis par les flics. Ce que nous ressentions dans nos corps, c’étaient toutes les humiliations qui font mal au ventre, les contrôles perpétuels qui dérapent à tous les coups… et toutes les vies volées.

    Notre colère s’est exprimée de la même façon : des voitures brûlées, des pillages… C’était un prêté pour un rendu – même pas une vengeance à la mesure de notre douleur. Face à l’incompréhension d’une société qui nous traitait comme des laissés-pour-compte, des vauriens, c’était le moyen de se faire entendre. Nous sommes habitués dès notre plus jeune âge à être violentés par la police, la justice, l’omertà, et l’aveuglement volontaire des politiciens ; mais comment rester calme quand un ou une d’entre nous meurt dans la plus totale indifférence, quand des preuves  disparaissent des dossiers et que la police nous nargue encore en plein deuil pendant nos marches blanches ?

    Tout ça a été dénoncé à l’infini par des associations et des familles en colère, mais rien ! Non, rien contre les vrais bourreaux ! Des médailles distribuées aux policiers comme des bonbons, des mutations, des félicitations… bref un permis de tuer. En voyant ça à la télé, comment ne pas être en colère, comment ne pas se sentir aculés ? Toute la france est descendue dans la rue contre la réforme des retraites, mais elle s’est heurtée au mépris du gouvernement. Maintenant que ça pète, on voit bien qu’y a que le scandale qui fait parler des quartiers et de ce qu’il s’y passe ; mais derrière c’est le RAID, le GIGN et les blindés.

    Pourquoi piller les magasins ? Le RSA est censé nous tenir au calme en nous menaçant de nous le retirer à la moindre petite résistance… mais il est bouffé par l’inflation ! Alors on se sert ! Ces enfants voient leur maman ou leur papa bosser comme des chiens à nettoyer la crasse de bourgeois qui leur crachent à la gueule ! Ils t’embauchent à 1 300 euros par mois pour un taf qu’ils ne voudraient faire pour rien au monde et il faudrait être reconnaissants…

    Aujourd’hui c’est nos enfants qui vivent ça et qui se battent dans la rue – comment ça se fait ? Pourquoi toujours le même schéma, des années après ? Elles sont là, les vraies questions auxquelles il faut répondre ! Et pas par la répression, comme à chaque fois ! Vous allez leur demander d’arrêter, de tendre l’autre joue ? Alors on incrimine les parents, on dit que c’est de leur faute ; on menace, et encore une fois ça passe par le chantage et la peur ; mais n’oubliez pas nous étions déjà là en 2005.

    Ça réveille des douleurs enfouies.

    (écrit fin juin 2023 suite à la mort de Nahel, abattu par un policier).

    Note : la première illustration de cet article est une photo prise par Amadou Gaye en 1983, à Châtenay-Malabry, où Nacer M’Raïdi avait été grièvement blessé par la police. Source : Rengainez on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes et sécuritaires, contre la hagra policière et judicière des années 1970 à aujourd’hui, livre de Mogniss H.Abdallah, publié en 2012 aux éditions LIbertalia.

  • AMNISTIE POUR LES INCULPÉS DE LA RÉVOLTE POPULAIRE !

    AMNISTIE POUR LES INCULPÉS DE LA RÉVOLTE POPULAIRE !

    Police, justice, prison : les maillons d’une même chaîne

    « Moi quand je fous le feu ça fait d’la lumière et j’y vois plus clair ! »
    Hafed Benotman, 2005

    Contrairement à ce que tous les commentateurs serinent à longueur d’émission, les feux de la révolte en cours nous disent beaucoup. Notamment sur le système police-justice-prison, qui est là avant tout pour enfermer les pauvres, notamment les jeunes prolétaires racisés – quand il ne les tue pas. Face aux arrestations de masse de ces derniers jours, se rendre dans les tribunaux qui ont commencé à juger les révoltés – et y porter la revendication d’une amnistie générale –, c’est le moins qu’on puisse faire.

    « Il y a chez eux une dynamique qui les dépasse. En réalité, ils n’obéissent à aucun raisonnement rationnel », assène le substitut du procureur de Nanterre après l’annonce des premières incarcérations. Au-delà d’un mépris social et d’un racisme hélas largement partagés, il est clair que lui a un intérêt direct à dépolitiser, désocialiser et animaliser les révoltés qu’il envoie au trou… puisque l’institution qu’il incarne est une des cibles de cette révolte populaire. On entend beaucoup parler des attaques de mairies, de commissariats et autres Lidl, moins de celles des maisons de justice, de la prison de Fresnes et de Réau, ou encore des bien mal nommés Services de probation et d’insertion pénitentiaire (Spip). A croire qu’« intoxiqués » à GTA ou pas, les gamins en révolte savent bien que la prison est faite pour eux – comme elle l’était pour leur parents qui ont connu le tournant sécuritaire des années 1980 et l’explosion de l’incarcération de masse. A croire que l’« insertion » n’est qu’un autre nom de la mise au travail de la jeunesse des quartiers populaires dans des conditions dégradantes.

    La brutalité d’hommes en armes quadrillant les rues n’est que l’expression la plus visible de la violence d’État. Après le policier, c’est le juge qui prend le relais ; et après le juge, le maton. C’est la chaîne pénale : police-justice-prison. Comme celle de la police, la violence des cours de justice s’abat tous les jours, tranquillement, sur les classes les plus pauvres et les plus stigmatisées des quartiers populaires. « Combien de Nahel n’ont pas été filmés ? »,peut-on lire sur des banderoles. De 2014 à 2019, la police a tué en moyenne 25 personnes par an ; depuis, le nombre des morts entre les mains des forces de l’ordre a encore bondi – jusqu’à 52 décès en 2021, et plus de 40 l’année dernière. Et combien d’autres morts en prison ? Impossible de le dire : là, il n’y a jamais d’images, évidemment. On pense à Sambaly, à Jawad, à Idir, à Alassane, à Jimony, à Taoufik, à Théo, à Gordana et tant d’autres. Prisonnier.e.s et proches le répètent à la radio ou dans notre journal depuis vingt ans : la violence des surveillants pénitentiaires s’abat tous les jours. Ils humilient ; certains tabassent, certains tuent derrière les hauts murs des prisons de France ; tout particulièrement dans les mitards et les quartiers d’isolement. Dans ces lieux, pas d’autres témoins que les caméras de surveillance, et les agents connaissent tous les angles morts. Comme les policiers, ils sont couverts par leur hiérarchie et acquittés par la justice.

    La phase judiciaire de la répression des mouvements sociaux ne produit pas d’images révoltantes, mais elle n’en est pas moins violente pour autant. Le garde des sceaux Dupont-Moretti a d’ores et déjà sonné la mobilisation générale de la machine judiciaire pour écraser le mouvement. Il y a fort à parier que les chiffres de 2005 (800 révoltés avaient pris du ferme en trois semaines) et ceux des Gilets jaunes (1 500 peines ferme en cinq mois) seront largement dépassés. Sa circulaire à destination des parquets est d’ailleurs le décalque de celle qui visait le mouvement des Gilets jaunes  – avec la criminalisation des parents en prime. Le ministre encourage le recours à l’infraction de « participation à un groupement en vue de la préparation de violences », qui permet de condamner toute personne présente sur les lieux, en l’absence de tout autre élément à charge. Les procureurs sont invités à « déferrer » tout le monde systématiquement, même les mineurs. Ça va entraîner énormément d’incarcérations, car les sanctions pénales qui suivent un déferrement sont généralement plus lourdes et plus brutales. L’augmentation du recours aux comparutions immédiates est exponentielle depuis les grandes révoltes de 2005 ; et lors des mouvements sociaux, elles sont utilisées massivement.

    Le ministre demande aussi de faire remonter les chiffres tous les jours pour faire de la communication – pour éteindre le soupçon de cet introuvable « laxisme judiciaire » qui est invariablement invoqué par la droite et l’extrême droite. Car l’extrême droite armée est à l’offensive dans les médias comme dans les rues : les mêmes syndicats de policiers qui demandent « le respect de la présomption d’innocence » et « l’indépendance de la justice » pour leur collègue exigent en même temps que la justice s’automatise encore plus pour ceux qu’ils qualifient de « nuisibles », de « hordes sauvages », de « chienlit ». Pour les éradiquer, ils exigent une fois de plus les pleins pouvoirs, ils en appellent au « réarmement de la police ». Ce terme avait été utilisé par Marine Le Pen en 2017 après le viol de Théo par d’autres policiers fascistes. Juste avant, des flics avaient manifesté armés non loin de l’Elysée. Ils se chauffaient, à l’époque. Aux élections suivantes, ils manifestaient cette fois devant l’Assemblée nationale pour dénoncer ce chimérique « laxisme judiciaire ». Déjà ministre de l’Intérieur, Darmanin les avait rejoints pour les assurer de son soutien. Forts de ces victoires symboliques successives, les syndicat Alliance et Unsa ont prospéré et assumé leur orientation fasciste au cœur de la police, mais aussi dans l’administration pénitentiaire. Les menaces séditieuses de ces jours-ci sont la suite logique d’une négociation au long cours au cœur de l’État pour qu’il durcisse le régime et arme toujours plus ces hommes déjà en armes. Ce qu’il fait, d’ailleurs, en déployant le Raid et la BRI, qui tirent dans les rues.

    Face à cette prise d’otage de l’Etat et des rues par ces bandes armées, c’est ailleurs qu’il s’agit de construire un rapport de force. S’il y a bien un endroit où il faut se trouver, c’est dans les tribunaux et devant les prisons : pour dire à la justice qu’on n’est pas d’accord, et pour que les gens se sentent moins seuls face à une institution entièrement dirigée contre eux. Déjà des réunions, des collectifs, des rassemblements s’organisent pour faire face à l’immense répression policière et judiciaire que l’État va continuer à déployer. Il y a eu près de 4 000 arrestations en une semaine, et les premières perquisitions ont déjà eu lieu. Soyons nombreux et nombreuses dans les tribunaux et devant les prisons pour que l’autodéfense collective face à la justice fasse partie intégrante du mouvement.

    Il nous faut trouver la force et la détermination nécessaires pour exiger l’amnistie de tous les inculpés, c’est-à-dire l’abandon des poursuites à leur encontre et leur libération immédiate. Celles et ceux qui ont pris part au mouvement social contre la réforme des retraites, celles et ceux qui se mobilisent contre la dissolution des Soulèvement de la terre, les organisations de gauche et de défense des droits de l’homme peuvent trouver là le moyen de se solidariser en actes avec les révoltés. Dans la rue, la révolte populaire a déjà pris pour cible la chaîne pénale qui sert à enfermer principalement celles et ceux qui subissent de plein fouet la violence économique, tout en couvrant la violence de ses agents. Un tel mot d’ordre d’amnistie générale serait un premier pas pour gripper la machine judiciaire qui enferme chaque jour les enfants des colonisés, les étrangers et les pauvres des quartiers de France ; qui tous n’en peuvent plus d’être stigmatisés, emprisonnés et pris pour cibles.

    L’Envolée, 4 juillet 2023.

  • Interdiction de L’Envolée 56 en prison : le ministère persiste et signe ? Nous aussi !

    Interdiction de L’Envolée 56 en prison : le ministère persiste et signe ? Nous aussi !

    Communiqué du journal L’Envolée, trois fois censuré en deux ans.

    L’Envolée, c’est une émission de radio et un journal qui portent depuis 2001 la parole de ceux et celles qui subissent et affrontent l’enfermement. Pour la troisième fois en deux ans, le dernier numéro de notre journal a été officiellement interdit en prison par l’administration pénitentiaire et son ministère. Ce qui leur déplaît ? Que les prisonniers et prisonnières s’expriment, communiquent, et puissent recevoir un journal dans lequel la violence – trop souvent mortifère – du système carcéral est démontrée… Ce qui gêne l’administration, c’est qu’ils et elles racontent leurs bagarres et solidarités (voir les citations ci-dessous).

    Pourtant, les prisonnier·e·s ont théoriquement le droit de lire des journaux.
    Dans certaines prisons, le journal L’Envolée est régulièrement censuré au bon vouloir des matons ou leurs hiérarchies. Déjà en 2005 et 2006, l’administration pénitentiaire (AP) avait mené des procès contre L’Envolée, puis menacé de le refaire en 2013, 2018, 2020… Depuis 2021, c’est répétitif : le journal est distribué aux abonné·e·s, puis peu de temps après, il est officiellement interdit dans les prisons françaises et retiré aux concerné·e·s. Avec en bonus des coups de pression envers nos lecteurs et lectrices enfermé·e·s. Ainsi, les journaux numéros 52, 55 et maintenant 56 ont été interdits.

    Ce dernier numéro se voulait avant tout un hommage à notre correspondant et lecteur Romain Leroy, prisonnier longue peine, dont nous avons salué les combats et la solidarité. Il est mort en août 2022, des suites de problèmes de santé causés par la répression carcérale après des refus de soins. Cet hommage, il faut croire que l’AP refuse que ses compagnons de détention puissent le lire ? Cette décision nous motive d’autant plus : notre journal est un porte-voix pour les prisonnier·e·s, il est lu et discuté en prison, c’est pour ça qu’on le fait et qu’on continuera à le faire. Ils ne condamneront pas les prisonnier·e·s au silence !

    En somme, on reproche à L’Envolée d’écrire que la prison torture et tue, que les uniformes bénéficient d’un permis de tuer, que la censure existe en France, que c’est un pays de flics, qu’une guerre sociale est menée contre les pauvres, que le fascisme gagne du terrain et que l’institution judiciaire est complice. Mais surtout, on nous censure pour que les prisonniers, prisonnières et leurs proches ne puissent pas dire, écrire et lire ces réalités… qu’ils et elles connaissent trop bien.

    Nous ne pouvons laisser passer cette énième attaque contre une parole déjà si rarement publiée au-delà des murs. Des recours juridiques sont en cours contre cette censure infondée. Vous pouvez soutenir ces paroles en les faisant circuler, en rappelant leur existence, par tous les moyens, dedans et dehors. Depuis vingt ans, les abonnements payés par les gens qui ne sont pas en prison contribuent à financer les abonnements gratuits pour les enfermé·e·s. Donc pour soutenir L’Envolée, abonnez-vous !

    Aux prisonniers et prisonnières concerné-e-s, à leurs proches : contactez-nous pour nous dire si vous avez reçu le journal ou pas, donnez-nous des détails sur les circonstances (anonymement ou pas), afin d’alimenter notre recours. Vous pouvez aussi mener des recours individuels contre l’AP pour cette censure, contactez-nous, nous vous soutiendrons.

    Retrouvons-nous chaque semaine sur les ondes ou sur les plateformes de podcast en attendant le prochain journal !

    L’Envolée, début février 2023


    Contacter L’Envolée :
    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos).
    Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris,
    contact@lenvolee.net  et sur instagram, twitter, facebook.

    Écouter L’Envolée :
    En direct tous les vendredis de 19 heures à 20h30 sur radio FPP, fréquence 106.3FM à paris et sur https://rfpp.net/
    Rediffusions sur une dizaine de radios locales. A réécouter sur lenvolee.net et sur toutes les plateformes de podcast.

    Lire L’Envolée :
    Pour lire en pdf le No56 censuré en prison, c’est ici.
    Les autres numéros sont consultables en ligne, en cliquant là.

    Voici les extraits de L’Envolée 56 qui ont particulièrement agacé l’AP :
    Dans la note qui circule en prison, le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire proclament l’interdiction du journal en prison et se justifient en citant des extraits. Ils confondent « violences systématiques » et « violences systémiques » des surveillants, ils censurent un texte déjà publié sur notre site internet, et surtout le ministre, ancien avocat « grand défenseur des prisonniers » déteste que l’on dise qu’il ne défend plus grand-chose, et finit par carrément censurer… un poème ! En gras, voici les passages attaqués. Nous les restituons dans leur contexte. Faites tourner !


    « Cette censure [du no55] s’est accompagnée d’une répression des prisonnier·e·s abonné·e·s : fouilles de cellule, coups de pression et, à l’occasion, menaces. Le motif, cette fois-ci, c’est qu’il est inacceptable de faire aux prisonnier·e·s le récit véridique du procès des matons qui ont tué Sambaly Diabaté en 2016 à Saint-Martin-de-Ré. Pourquoi ? Parce que ce drame met une fois de plus en évidence le caractère systémique de la violence exercée par des surveillants. » (édito, page 3)

    « Les policiers ont tué vingt personnes depuis le début de l’année. Dernier motif à la mode : le refus d’obtempérer. Les matons continuent à se transmettre des techniques qui tuent. En cas de problème, même plus besoin de mentir, ils invoquent maintenant « l’effet tunnel ». » (édito, page 4)


    « Avec cette lettre motivée, je viens à vous qui êtes à l’extérieur afin de faire entendre nos voix. Je suis un des détenus longues peines de France actuellement incarcérés dans une des maisons centrales ou quartier maison centrale (QMC) telles que Valence, Réau, Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil. Ces nouvelles structures sont en fait des QHS (quartiers de haute sécurité) ou des QSR (quartier de sécurité renforcée). Les nouvelles prisons françaises sont copiées sur le format canadien et se dirigent vers l’américanisation. Ces systèmes pénitentiaires ultra durs sont basés sur des fonctionnements répressifs et pervers. Nous sommes passés de personnes détenues à bétail. Certains diront aussi « cobayes ». Nous ne sommes pas considérés comme des humains ni des citoyens. Torture psychologique, psychique, voire même physique lors des fouilles à nu qui sont pourtant interdites et abusives. Je souhaite, et nous souhaitons, attirer votre attention, à vous qui êtes dehors, car nous, à l’intérieur, nous sommes muselés, bâillonnés : la liberté d’expression en prison n’existe plus, alors que dehors des gens se battent et meurent pour cette dernière. » (p.10, Lettre de Romain Leroy, Maison centrale de Condé-sur-Sarthe, Juin 2017)

    « Si on leur met toute la journée la pression psychologique, au bout d’un moment, on peut pas garder tout pour soi ! C’est des êtres humains, ils éclatent… De toute façon, la prison tue. La prison, elle tue. Soit ils les tuent de leurs propres mains, soit ils leur font de la pression. Ils les tuent à petit feu jusqu’à les conduire à la mort parce que, voilà, c’est de l’acharnement ». (p.15, entretien avec Adeline, la compagne de Romain, après son décès, au sujet de son parcours carcéral et de leurs bagarres)


    « Je dis bonjour à L’Envolée
    Je voudrais qu’vous m’épauliez
    Je vais tout vous raconter
    Ça m’fait pas rigoler
    Oui, ça nous sert la gamelle
    Oui, ça nous prend pour des chiens
    Et t’as pas vu les matons
    Ils font les fachos toute l’année

    Moi, j’ai bien analysé
    Eux, ils n’aiment pas les Arabes
    J’me rappelle j’ai cantiné
    Et ils ont enlevé tout mon rabe »
    (p. 25, poème de Cocktail, maison d’arrêt de Caen, 11 juillet 2022)


     » … au prétexte d’une malheureuse animation à la prison de Fresnes achève de prouver que, maintenant qu’il est ministre des prisons, l’ex-avocat Superdupont-Moretti n’assure plus la défense de grand-chose – si ce n’est celle de positions fascistes. Au-delà de cette drague éhontée, il est important de rappeler que les animations telles que « Kohlantess » – et les polémiques qu’elles suscitent – masquent avant tout la violence pénitentiaire et la nature mortifère de la prison.« 
    (p.23, texte en réaction à la « polémique Kohlantess »)

  • Lettre d’Itziar extradée à Madrid – l’acharnement contre Kémi à Saint-Maur continue – fin du compte-rendu du procès des matons violents de Lille-Sequedin

    Lettre d’Itziar extradée à Madrid – l’acharnement contre Kémi à Saint-Maur continue – fin du compte-rendu du procès des matons violents de Lille-Sequedin

    Émission de L’Envolée du vendredi 28 octobre 2022
    • Lettre d’Itziar, écrite depuis une prison de Madrid dans laquelle en vient d’être extradée. Elle a réussi à ne pas se faire saisir le n°55 de L’Envolée en se moquant bien des maton·ne·s de Rennes avant de partir. Elle souligne que dans les prisons de l’État français comme celles de l’État espagnol, l’enfermement reste la même galère. Elle se réjouit enfin de la récente libération de Jakes Esnal et de Ion Kepa Parot, grâce à la mobilisation massive de la société basque depuis des années.

    • Lettre de Mickaël G., alias Kémi, datée du 13 septembre quelques jours avant son tabassage par les matons du QI de la centrale de Saint-Maur. Il ressent pourtant déjà très bien que la pression commence à monter et qu’on cherche à lui faire la misère. Il constate que ses courriers sont régulièrement bloqués, particulièrement ceux qui lui permettent d’avoir des informations concernant la mort de Romain Leroy, qui était l’un de ses amis de détention quand tous les deux étaient à Réau.

    • Lecture du communiqué public « Mickaël G. est en danger à la centrale de Saint-Maur« , publié ce vendredi 28 octobre par le Comité des proches de Mickaël G. concernant les conditions de détention insupportables qu’il subit. Le comité demande de le faire circuler au maximum ! On peut les contacter par mail : lesamisdemickaelg@gmail.com

    • Fin du compte-rendu du procès à Lille de matons qui ont passé à tabac un prisonnier, nu et seul dans sa cellule, le 3 janvier 2022 à la prison de Lille-Sequedin. On discute de la défense des matons qui, pour se protéger, évoquent cette nouvelle expression du soi-disant « effet-tunnel« , dont on avait déjà entendu parler à propos des matons qui ont tué Sambaly Diabaté, mais aussi suite à des personnes tuées par les keufs.

    • Discussion sur le budget 2023 du ministère des tribunaux et des prisons, toujours à la hausse.

    Musiques : Futuristiq, Réalité / Intouchable, Je ne dors plus (remix) / Lesram, Wesh enfoiré

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

    Pour nous joindre : 07.53.10.31.95 (appels et textos). Pour écrire : Radio FPP – L’Envolée, 1 rue de la solidarité, 75019 Paris, ou encore à contact@lenvolee.net et sur instagram, twitter, facebook.

    L’abonnement au journal est gratuit pour les prisonniers et les prisonnières. Le numéro 55 est dispo et déjà censuré par l’Administration pénitentiaire ! Raison de plus pour le faire tourner !

    Notre bouquin pour troubler la fête du quarantième anniversaire de la prétendue abolition de la peine de mort est sorti ! Une manière parmi d’autres, que nous espérons nombreuses, de faire entendre quelques voix dissonantes dans l’écœurante auto-célébration du pouvoir.

    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

    Il est disponible dans toutes les bonnes librairies et sur la boutique de nos ami·e·s des éditions du bout de la ville.

    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • Pressions contre Kémi à Saint-Maur – procès de matons violents à Lille-Sequedin – résistances des prisonnières au CRA du Mesnil-Amelot

    Pressions contre Kémi à Saint-Maur – procès de matons violents à Lille-Sequedin – résistances des prisonnières au CRA du Mesnil-Amelot

    Émission de L’Envolée du vendredi 21 octobre 2022
    • Évasion collective de 9 prisonniers au CRA de Oissel, près de Rouen.
    • Des nouvelles de Kémi, qui continue à se prendre des pressions à la centrale Saint-Maur pour le pousser à bout. N’hésitez pas à appeler la prison de Saint-Maur pour leur dire d’arrêter, et vous pouvez passer par nous pour écrire à Kémi et lui envoyer de la force.
    • Retour sur le procès à Lille de matons qui ont passé à tabac un prisonnier, nu et seul dans sa cellule, le 3 janvier 2022 à la prison de Lille-Sequedin. Il s’est pris des coups de pied et de poings, a été strangulé, a été tiré par les bras menottés dans le dos, se prend des coups à chaque marche d’escalier dans lequel il est traîné. Il est laissé inerte au mitard et ne reçoit aucun soin pendant plusieurs jours. Les matons écrivent un faux CRI et vont essayer de faire passer le prisonnier pour fou et l’envoient 48h à l’UHSA. Le prisonnier et son codétenu témoin sont mis sous pression. La défense des matons pour se dédouaner repose sur un soi-disant « effet-tunnel« . L’AP les félicite et les matons n’ont eu aucune sanction administrative ; le délibéré du procès est prévu pour novembre.
    • Appel de plusieurs prisonnières enfermées au CRA du Mesnil-Amelot. Elles subissent des blocages dans la distribution des produits d’hygiène, de la nourriture et de l’argent. Elles n’ont aucun soin gynéco. Les punaises de lit prolifèrent dans le CRA. Le covid et la variole du singe aussi ; l’une des prisonnières ayant eu le covid a été mise en isolement chez les hommes. Elles subissent des fouilles des hommes de la PAF. Désormais un OPJ est présent en permanence dans le CRA. Mais la résistance et la complicité des prisonnières fait plaisir à entendre !

    Agenda :

    L’Envolée est une émission pour en finir avec toutes les prisons. Elle donne la parole aux prisonniers, prisonnières et leurs proches & entretient un dialogue entre l’intérieur et l’extérieur des prisons. C’est aussi un journal d’opinion de prisonniers, de prisonnières et de proches.

    On manque de forces pour faire tourner l'émission radio comme on le souhaiterait en ce moment : que vous soyez prisonnier·e·s, proches, ou révolté·e·s contre l'enfermement et l'AP n'hésitez pas à nous contacter et à passer le mot !

    Direct chaque vendredi de 19h à 20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 à Mulhouse, RKB 106.5 en centre-Bretagne lundi à 22h, Radio Galère 88.4 à Marseille le jeudi soir à 20h30, PFM à Arras et alentours 99.9 mardi à 21h30, Canal Sud 92.2 jeudi à 17h30 à Toulouse, L’Eko des Garrigues 88.5 à 12h le dimanche à Montpellier, Radio U 101.1 le dimanche à 16h30 à Brest, Radio d’Ici 106.6 à Annonay mardi à 21h30 et 105.7 FM & 97.0, à Saint-Julien-Molin-Molette dimanche à 20h et sur les webradios Pikez (dimanche à 11h) et Station Station (lundi à 13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes !

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    Ce livre réunit des paroles de prisonniers, de prisonnières et de proches publiées dans le journal depuis sa création en 2001 qui nous rappellent avec force qu’en réalité c’est seulement la guillotine qui a été supprimée en octobre 1981.

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    Il est gratuit pour toutes les personnes enfermées : écrivez-nous à contact@lenvolee.net pour que nous puissions le faire parvenir à vos proches emprisonné·e·s !

  • Derrière Kohlantess, la violence de la prison

    Derrière Kohlantess, la violence de la prison

    Le tsunami d’extrême droite qui s’est déversé dans les médias et sur les réseaux sociaux au prétexte d’une malheureuse animation à la prison de Fresnes achève de prouver que maintenant qu’il est ministre des prisons, l’ex-avocat Superdupont-Moretti n’assure plus la défense de grand-chose – si ce n’est celle de positions fascistes. Au-delà de cette drague éhontée, il est important de rappeler que les animations telles que « Kohlantess » – et les polémiques qu’elles suscitent – masquent avant tout la violence pénitentiaire et la nature  mortifère de la prison.

    Cela fait plusieurs jours qu’on nous casse la tête parce qu’à Fresnes, un divertissement de deux heures a été organisé dans la cour de promenade de cette taule toute pourrie où les prisonniers vivent l’enfer tout le reste de l’année, entre l’insalubrité, les invasions de rats, la déshumanisation, l’entassement en surnombre, la masse de matons stagiaires qui passent dans cette usine carcérale… 

    L’information qui désinforme, vous connaissez ? Celle qui ne parle jamais de l’horreur de la taule mais se réveille une fois par an pour couvrir massivement un karting… L’extrême-droite se jette là-dessus direct ; les plus dégueulasses parlent de « l’argent du contribuable » parce que raconter que les prisonniers s’amusent avec les sous des pauvres, ça fait toujours recette. C’est toujours la même rengaine : les prisonniers seraient « mieux traités que les pauvres qui, eux, ne peuvent pas se payer le karting » ou que « les malheureux SDF ». Suprême hypocrisie de commentateurs grassement payés par les télés pour passer le plus clair de leur temps d’antenne à casser du sucre sur le dos des pauvres qui profiteraient des allocs sans rien foutre. Tour de passe-passe qui permet d’escamoter le fait que la prison, c’est principalement pour les pauvres. En les y stockant, les gouvernements transforment la question sociale en question carcérale. Et quand ce vieux mensonge de la « prison-Club Med » redevient viral, quand tant d’internautes bien planqués derrière leur clavier ne cessent de réclamer que les prisonniers en chient toujours plus, ils nous rappellent que le rôle central de la prison est bien de faire souffrir ; de faire souffrir des pauvres pour faire peur aux autres pauvres, et qu’ils se tiennent sages. C’est pour ça que la prison sera toujours sale, déshumanisante, surpeuplée et mortelle. Le discours « progressiste » prétend répondre aux attaques de l’extrême-droite au nom du prétendu rôle de réinsertion de la prison ; c’est du vent. La prison ne réinsère pas ; les animations à grand spectacle qui y sont organisées non plus. Elles masquent la violence pénitentiaire, une fois de plus.

    Le 1er novembre 2012, Gordana est morte à la prison de Fleury-Mérogis suite à un défaut de soins. Une semaine après, jour pour jour, un défilé de mode devait se tenir dans le gymnase de la prison. C’était prévu depuis longtemps, mais les prisonnières voulaient qu’il soit annulé pour respecter leur deuil… La direction n’en a tenu aucun compte. On a pu entendre aux informations qu’un défilé de mode était organisé à la prison de Fleury-Mérogis – mais dans tous les médias, pas un mot sur les femmes qui se sont rebellées pendant plus d’une semaine pour faire connaître la vérité sur la mort de Gordana par manque de soins ; sur leurs blocages de cellules, de promenade, leur grève de la faim, leur tabassage en masse par les Eris, sur leurs transferts disciplinaires à mille bornes de chez elles, sur leur douleur, sur leurs souffrances… Non, tout le monde parlait de cette « fabuleuse initiative » pour distraire les prisonnières… La bonne blague…

    Autre exemple plus récent : fin septembre 2020, au sortir du premier confinement, en pleine pandémie, les syndicats pénitentiaires et les force de l’ordre décident d’organiser un match de boxe entre eux au gymnase de la prison de la Santé, sans masques bien sûr …. Trop fun ! A ce moment-là, les prisonniers n’avaient pas droit aux masques parce que ça cachait leur visage ! Pas droit non plus au gel hydroalcoolique, des fois qu’ils auraient eu l’idée de l’ingurgiter pour se saoûler la gueule. Le caprice de ces Rocky en uniforme a ramené le Covid en taule : des prisonniers ont été contaminés alors que les activités avaient été brutalement suspendues et les parloirs supprimés, puis rétablis – mais avec Plexiglas. 

    Bref, c’est pas le Club Med, c’est de la propagande, c’est comme ça les arrange. Les médias se scandalisent aujourd’hui d’un Kohlantess qui n’a concerné qu’un nombre infime de prisonniers. Déjà, les femmes n’y ont pas eu accès, et une infime partie des prisonniers sélectionnés par l’AP a pu y participer, maximum deux heures. Détail révélateur : loin de se dresser contre le raz-de-marée démagogique qui a salué l’événement, les organisateurs n’ont rien trouvé de mieux à faire que de hurler avec les loups en supprimant la vidéo au prétexte qu’un participant avait un profil trop lourd à leurs yeux. Le gentil animateur n’est qu’un juge de plus.

    Reste à espérer que les pouvoirs publics ne se jettent pas sur l’occasion comme à leur habitude pour faire passer de nouvelles lois scélérates dégradant encore un peu plus les conditions de vie des enfermés. Quant aux internautes qui relaient ce discours, qu’ils prennent garde : ils pourraient bien eux aussi se retrouver à manger la gamelle un de ces jours… Il n’y a pas les « « honnêtes gens » d’un côté et les « méchants voyous  » de l’autre, il y a une institution répressive dont le rôle est de maintenir un ordre social inégalitaire. Comme le disait la chanson de Trust, en taule, « il y aura toujours une place pour toi et ton fils ». A bon entendeur…

    L’envolée, le 23 Août 2022

  • L’AMI ROMAIN LEROY EST MORT

    L’AMI ROMAIN LEROY EST MORT

    Prisonnier longue peine, correspondant de l’Envolée, Romain Leroy est mort le 9 août 2022 d’une rupture de l’aorte. Il avait 38 ans. Pourquoi le principal vaisseau sanguin du corps se fissure-t-il quand on est jeune et en bonne santé ? Depuis quatorze ans, Romain vivait dans le climat sécuritaire suffocant des maison centrales. En 2016, il avait dénoncé cette oppression avec quelques autres prisonniers longues peines ; d’abord par des sit-in, des recours et des lettres publiques. Puis, devant l’indifférence générale, ils ont subtilisé les clés des matons, ouvert toutes les cellules et mis à sac l’ensemble du Quartier maison centrale (QMC) de la prison de Valence. Romain a déclaré lors du procès de cette mutinerie : « c’est moi qui passe en jugement, mais ce que je dis, c’est au nom de toutes les longues peines de France » (Un compte-rendu de ce procès à écouter ici ou lire là). Lourdement condamné, il a subi un traitement particulièrement dur de l’administration pénitentiaire (AP). Transféré dans les prisons de Condé-sur-Sarthe, Réau et Arles, il a finalement été envoyé à Moulins en août 2021. Pendant six mois, les matons l’y ont réveillé toutes les deux heures, toutes les nuits. A deux reprises il s’est vu attribuer, puis retirer un travail pour des motifs fallacieux. Tout récemment il avait été changé de bâtiment pour subir un régime « portes fermées » (vingt-trois heures sur vingt-quatre en cellule), puis mis au mitard.

    Non-assistance à personne en danger ?

    Les moments partagés avec Adeline, sa compagne, et leur fille, sont alors de rares respirations pour Romain. Lors d’un UVF (parloir familial de soixante-douze heures) fin juillet 2022, dès le vendredi Romain se sent mal. Il éprouve une grosse douleur à la poitrine. Adeline appelle à l’interphone les matons qui répondent qu’« aucun personnel médical ne peut intervenir en UVF ; s’il sort maintenant, c’est retour cellule jusquà lundi, où il verra un médecin de la détention. » Sachant qu’il ne pourra pas voir de médecin du week-end, Romain et Adeline préfèrent rester ensemble à l’UVF.

    Le dimanche matin, il est au plus mal, il ne peut même plus se lever. Adeline appelle à nouveau les surveillants à 6 heures en demandant d’appeler les secours ; même réponse : « Si ça ne va pas, on le remonte en cellule et il verra un docteur lundi ». Elle exige alors de sortir en urgence de l’UVF pour appeler elle-même le Samu depuis le parking de la prison. Romain est pris en charge et hospitalisé dans un état critique. Pendant son hospitalisation en réanimation, la pénitentiaire tente encore quelques coup bas, mais Adeline peut demeurer auprès de lui grâce au personnel médical. Il reste dix jours entre la vie et la mort, et puis son cœur lâche.

    Acharnement post mortem

    Le lendemain de sa mort, Adeline en informe la prison de Moulins. Loin de lui présenter ses condoléances, le directeur lui demande fissa le certificat de décès pour pouvoir « procéder à la levée d’écrou et au rendu du corps ». Romain est enterré le samedi 13 août entouré de ses proches.

    Depuis, Adeline tente de récupérer quelques affaires qui ont une valeur sentimentale et de donner le reste à des compagnons de détention indigents. Elle sait par les familles d’autres prisonniers que la cellule de Romain à été vidée dès le lendemain de sa mort.

    Pendant trois jours, au gré des dizaines de coups de fil qu’elle passe, les différents services de la prison invoquent divers prétextes pour ne pas lui rendre les affaires : « en attente d’éléments internes », « problème de succession vu la dette de Romain à la société », « besoin d’un certificat d’hérédité ». Elle obtient finalement un rendez-vous pour la semaine suivante (le mardi 24 août). Espérons que la direction de Moulins et son petit personnel en resteront là côté froide mesquinerie. Adeline, elle, compte continuer le combat contre la prison, pour Romain, pour l’accès au soin des prisonniers longues peines.

    Y a pas d’arrangement

    Une fois de plus, la prison a tué. Encore une fois, une veuve et une gamine n’ont pas même le temps de pleurer car elle doivent mener un bras de fer avec l’administration. Vengeance bureaucratique contre un prisonnier à qui l’AP ne peut pardonner d’avoir crié haut et fort son refus d’être enterré vivant ? Simple défaut de soins comme il y en a tous les jours en détention ? Ou les deux ?

    Quoi qu’il en soit, une fois de plus, un prisonnier est sorti de prison les pieds devant. Si toutes les morts en prison nous révoltent, la mort de Romain nous touche tout particulièrement. En 2017, lors de son procès suite à la révolte contre le QMC de Valence, nous l’avions entendu expliquer son geste à la barre, digne et déterminé, exigeant que l’on entende enfin le sort fait aux prisonniers longues peines. Quelques mois plus tard, nous avions reçu et publié une lettre d’une grande justesse. Pendant des années, nous avons relayé le combat qu’Adeline mène sans relâche pour que l’AP cesse de traiter prisonnier.e.s et proches comme des bêtes. Depuis des années, ensemble, ils ont fait vivre une vérité que nous continuerons de répéter toutes les semaines à l’émission radio de l’Envolée : y a pas d’arrangement.

    L’Envolée, août 2022

    À relire et ré-écouter :

    Pour entendre des interventions lors desquelles Adeline dénonce la misère faite à Romain et à d’autres prisonniers : ré-écouter les émissions l’Envolée du 13 novembre 2020, 14 janvier 2022, 28 janvier 2022, 1er juillet 2022…