TOUS COMPLICES !

Alors comme ça, on est maintenant tous et toutes considérés comme « complices » des dégradations ? Sauf qu’on l’était déjà ! Automatiquement coupables, même : depuis la « justice d’exception » créée par Sarkozy, « participer sciemment à un groupement » est un délit (cf. compte rendu précédents), que les tribunaux collent à tous les gilets jaunes qui passent en comparution immédiate (CI).

 Nouvelle audience, même comédie : une cour aux ordres du parquet, une justice de classe qui fait le taf. Et qui donne les mêmes leçons de morale, par-dessus le marché : on est censés verser une larme sur le traumatisme à répétition des riverains des Champs-Elysées, dont certains ont même « échappé à la mort » ! Les déclarations du gouvernement ont clairement porté leurs fruits dans les réquisitions du procureur : la prison, c’est la sanction, et la privation de liberté doit être effective. C’est sa fonction première : un repoussoir. Un épouvantail que le gouvernement brandit devant un mouvement populaire qu’il n’a réussi ni à endiguer, ni à tout à fait diviser.

Du fait de la mise en scène spectaculaire de la casse que cet acte XVIII a permis ; du fait des pseudo polémiques sur les dites « défaillances du maintien de l’ordre » policier dans la rue, il fallait que le gouvernement monte le ton pour satisfaire l’électorat dont il veut défendre les intérêts. Il y a donc eu le « limogeage » du préfet de police, remplacé illico par Didier Lallement qui, entre autres faits d’armes, fut le patron de l’Administration Pénitentiaire entre 2001 et 2004. Alors que d’importants mouvements de prisonniers dénonçaient les peines infinies qu’ils avaient à tirer ; alors qu’ils se battaient dans des quartiers d’isolement qu’ils comparaient à Guantanamo (notamment à Fresnes et Fleury), ce triste sire était appelé à la rescousse pour écraser la contestation.

 Entre 2001 et 2004, Lallement est directeur de l’Administration pénitentiaire (…) Il crée notamment le Bureau de renseignement pénitentiaire au sein de l’état-major de sécurité EMS3, qui vise le grand banditisme et l’extrémisme islamiste. Ce Bureau de renseignement pénitentiaire a fait courir la rumeur qu’une menace islamiste incontrôlable et massive existerait derrière les barreaux, afin de justifier les pratiques islamophobes de l’Administration pénitentiaire alors même qu’environ 60% des détenu.e.s sont de confession musulmane. En 2003, Lallement impulse également la création des Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), les unités de type GIGN prêtes à intervenir en détention de façon agressive et sur-armée, où ils tirent au flashball à bout portant au sein des cellules.( Portrait complet sur Paris lutte infos)

Mais au-delà de cette annonce, le gouvernement a surtout sonné une nouvelle fois ses petits juges de garde afin qu’ils et elles durcissent encore un peu plus le ton dans les salles des Batignolles. La plupart des peines de prison ferme que nous avions vu prononcer jusqu’à présent dans les procès de gilets jaunes au tribunal de Paris étaient aménageables, car inférieures à deux ans. Attention, c’était – comme toujours pour ce type de peine- au bon vouloir du juge des libertés et de la détention. Plus rares étaient cependant les peines assorties d’un mandat de dépôt. La nouvelle tendance est donc de les assortir systématiquement d’un mandat de dépôt.

Comme lors des audiences précédentes, toutes les personnes déferrées ont été interdites de présence à Paris pendant un an. Attention : bien sûr qu’on a toujours le droit de manifester, comme la cour s’évertue à le répéter… mais en se rendant bien compte que ce gouvernement vient d’affirmer plus clairement que jamais son droit à nous enfermer et à nous mutiler : il va « falloir assumer, même si un black block qui met le feu au Fouquet’s s’en prend une et finit paraplégique », a déclaré au Parisien (édition du 19 mars) un membre du gouvernement anonyme (courageux mais pas téméraire !).

Marx avait vu juste : l’Etat est bel et bien une bande d’hommes en armes et ses satellites.

 A cette audience, la mairie de Paris s’est portée partie civile dans tous les dossiers, mais sa demande a le plus souvent été rejetée. Dans les cas où elle a été déclarée recevable, les condamné.e.s repasseront en audience civile le 16 avril pour se voir exiger des dommages et intérêts – que la mairie aura réussi à chiffrer d’ici là…

Certains avocats commis d’office ont été tout simplement lamentables. Quand la présidente a expliqué aux prévenus qu’ils avaient la possibilité de refuser la comparution immédiate, la plupart se sont tournés vers leurs « défenseurs » d’un air perplexe ; ces incapables n’ont pas été foutus d’expliquer à leurs clients ce qu’est une CI, le renvoi automatique s’ils le demandent et les différentes options suite à ce renvoi : comparaître libres, avec un contrôle judiciaire plus ou moins strict, ou partir en détention provisoire s’ils n’ont pas de garanties de représentation. Quant aux plaidoiries… Oui, mon client est coupable et la cour doit le condamner ; mais coupables simplement de s’être laissé entraîner par d’autres, plus dangereux : les « vrais casseurs » ! Mais pour le proc comme pour la cour, même cette dissociation est devenue inacceptable : si après quatre mois de manifestations violentes, les gens continuent à y aller, c’est bien pour en découdre ; ils sont donc coupables.

Né en 1984, S. est chauffeur-livreur pour 1 500 euros par mois. Il et est monté du Mans à Paris pour « faire masse », comme le diront beaucoup au cours de cette audience. Il se présente avec une belle balafre au-dessus de la joue – un palet de lacrymo -, et un cocard, suite à son interpellation. Il est accusé de « violence sur personne dépositaire… » et de « recel » : Il avait dans son sac un sac à dos et des chaussettes à l’effigie du PSG. Après avoir reçu le palet au visage, il jette un « cacatov » en direction des keufs, puis passant devant le magasin PSG, ramasse sac et chaussettes. Malgré son casier vierge, le proc demande trois mois de prison avec mandat de dépôt et un an d’interdiction sur Paris. Il prend un mois et part dormir en taule le soir même.

Né en janvier 1988, N. touche 480 euros par mois du RSA et avoue se faire quelques 600 euros supplémentaires au black. La présidente joue sur du velours : « Les gilets jaunes se plaignent de trop d’impôts ? Vous, vous bénéficiez d’un bon retour sur investissement – en plus de son RSA, Pôle emploi lui a payé une formation pour être chauffeur de bus ! » Il est accusé de « violences sans ITT » – le jet d’un bâton en direction des flics -, d’avoir « participé sciemment à un groupement » et de s’être masqué le visage. Il a eu trois condamnations pour vol entre 2005 et 2009 et la fouille de son portable fournit trois vidéos prises durant la manif. Le proc demande un an de prison dont six mois fermes avec mandat de dépôt. Il en obtiendra trois, assorti de sept mois de sursis et cinq ans de mise à l’épreuve – alors que le proc en avait demandé deux.

Les condamnés se lèvent pour quitter la salle, abasourdis ; on leur crie « Courage ! » et quelques personnes quittent la salle en dénonçant « la justice bourgeoise et la répression ».

J. vient de Limoges, il est pompier volontaire. Titulaire d’un CAP de boulanger, il n’a pas trouvé de taf dans sa branche. Accusé de « participation », il demande et obtient le renvoi au 16 avril prochain. En attendant, il devra pointer au commissariat de Limoges tous les samedi.

M. est née en 1992 ; éducatrice spécialisée, elle touche 1500 euros net. Elle a été arrêtée à 19h50 sur les Champs. Elle a six mois de sursis pour des violences qui remontent à trois ans. Alors qu’elle discutait avec un groupe d’amis, elle s’est prise une droite à la tempe ; elle montre la marque à la cour. D’instinct, elle s’est retournée et a mis un coup de poing. A ces « violences sans ITT » s’ajoute « l’outrage » : elle aurait traité le flic de « fils de pute » et lui aurait conseillé d’aller « niquer sa mère » tandis qu’il la tirait par les cheveux après l’avoir frappée à la tempe. « La prochaine fois, tu restes chez toi et tu fermes ta gueule », a rétorqué le kisdé. Tendre, et poète à la fois!

Un témoin de la défense confirme l’avoir vue se faire traîner par les cheveux. La présidente s’étonne que ça ne figure pas sur le PV d’interpellation. Pour la défense, il y a un doute ; qui doit profiter à l’accusée. « Tout ce qui a trait aux violences policières n’est jamais dans les dossiers : les policiers ne vont pas se tirer une balle dans le pied. A cette heure-là (celle de l’arrestation), les policiers arrêtaient tout et n’importe quoi. Ma cliente va-t-elle être jugée sur ce qu’elle a fait il y a trois ans ? » Il demande la relaxe et l’irrecevabilité pour la demande de partie civile de la mairie de Paris. Trois mois fermes, et révocation de trois mois de son sursis.

B. est né en septembre 1996. Il est apprenti couvreur dans la boite de son père, un « gilet jaune » qui a dit à son fils de venir à la manif. Arrêté à 13h10 sur les Champs, il est accusé de « violence » et «  participation ». Alors qu’ils marchaient en famille sur les champs, lui avec sa copine au bras, ils sont soudain enveloppés dans un nuage de lacrymo. Par reflexe, il ramasse le palet qui est à ses pieds et le relance sans savoir dans quelle direction, car il est aveuglé. Pour le flic interpellateur, le proc et la cour, la volonté de blesser un policier est évidente. « Un gestebête, qu’il regrette », déclare-t-il. La présidente: « Mais vous ne savez pas ce que vous ramassez ? C’est dangereux, vous auriez pu être blessé, perdre un doigt… » Mais trêve de sollicitude : conformément aux réquisitions, il prend trois mois fermes.

P. vient de Rennes. Né en 1996, il habite dans la résidence étudiante de la faculté où il étudie le cinéma. Arrêté à 12h30 sur les Champs, il est accusé de « participation » et d’avoir voulu jeter des pavés sur les condés : au moment de son interpellation, il se trouvait non loin d’un « tas de pavé ». Particulièrement cynique, le proc se permet même de dire qu’il a eu de la chance : cette arrestation préventive l’a empêché de passer à l’acte. Quand on vous dit que la police est là pour vous protéger ! L’accusé a pourtant bien expliqué qu’il se trouvait au milieu de la rue parce que les trottoirs étaient noyés sous les gaz lacrymo et qu’il n’avait pas de masque ni la moindre protection. La cour, dans sa clairvoyance, a dû voir là la volonté perfide de dissimuler sa vraie nature de casseur. L’avocat dénonce une dérive des forces de l’ordre et s’étonne que la parole des accusés compte toujours moins que celle des flics. Ça ne tracasse pas trop le juge, qui lui met trois mois fermes. Il devra en outre revenir au civil pour dédommager la ville de Paris.

Pour les trois prévenus suivants, nous n’aurons pas les délibérés ; seulement les réquisitions du parquet.

O. est du 91, il vient de monter une petite société de second œuvre dans le bâtiment ; il a trois enfants qu’il soutient financièrement. Il vit avec sa nouvelle compagne. Handicapée, elle-même mère de trois enfants, elle est présente dans la salle pour soutenir son compagnon mais doit fréquemment sortir car la position assise la fait souffrir. O. demande le renvoi de son jugement.

Pendant sa garde à vue, il a désigné un avocat qu’il connaît pour le défendre, mais à son arrivée au palais, on lui colle un avocat commis d’office : les services du procureur n’ont pas prévenu  le défenseur qu’il avait choisi du déferrement de son client. A 17 heures, toujours sans nouvelles, l’avocat a découvert le pot aux roses. Il est hors de lui : « C’est un droit constitutionnel que le procureur ne respecte pas ! Est-ce qu’on peut se permettre d’être aussi inhumain parce qu’on représente le ministère public ? Dans quelle société vit-on ? On n’est plus dans du juridique, mais du politique ! » En douce, le proc lui aurait glissé un « Toi, fais pas le malin ». Au vu de la situation familiale et professionnelle du prévenu et des garanties de représentation qu’il présente à la cour, l’avocat demande la mise en liberté de son client alors que le proc a requis un placement en détention provisoire.

Né en juillet 1996, M. est étudiant ; lui aussi vient de Rennes. Il est accusé de « participation » et de « refus de signalétique ». Cette prise d’empreinte génétique couramment imposée par la maison poulaga fait automatiquement basculer la personne dans le FNAEG (Fichier national automatique des empreintes génétiques), qui regroupe toutes les personnes « connues » des services de police. Les condés profitent d’une garde à vue ou d’une convocation pour prélever des empreintes génétiques qui vont alimenter ce fichier. D’abord destinée aux seuls auteurs de délits sexuels, cette mesure s’est étendue à tout le monde. Le simple fait d’y être fiché a été relevé plusieurs fois par la cour – notamment quand le casier de l’accusé était vierge. On fait avec ce qu’on a… M. demande le renvoi mais que le proc déroule déjà : un an d’interdiction de Paris et un contrôle judiciaire qui l’oblige à pointer au comico de Rennes tous les samedis.

S. vient de Charleville-Mézière. Né en 1981, il s’est mis au chômage pour s’occuper de son père qui vient d’avoir un AVC, et pour assurer les déplacements de sa mère. Arrêté à 12h30 sur les Champs, il est accusé des délits de « participation », de « recel et détention de parfum » et d’avoir eu sur lui le classique matériel de protection : lunette et masque. Il accepte la CI. Cela fait maintenant quatre mois qu’il manifeste à Charleville et tout se passe bien, dans le calme ; il fait même partie d’un petit groupe de gilets jaunes qui apaisent les tensions si nécessaire. Pour cela, il est régulièrement en relation avec le commissaire local – dont il mentionne le nom à plusieurs reprises. Pas de favoritisme : pour sa participation à la manifestation et au « pillage – car il n’y a pas d’autre mot », le proc demande trois mois ferme avec mandat de dépôt.

Son avocat commis d’office est un pénaliste habitué à des dossiers plus lourds ; il « connaît bien monsieur le procureur » et est « abasourdi par les réquisitions ».

A 23  heures, on quitte la salle alors que trois autres gilets jaunes sont encore en attente de jugement. Le tribunal a débuté avec du retard, un auxiliaire de justice est venu en début d’audience : les dossiers n’arrivent pas ou sont incomplets, les personnels sont débordés, les avocats ont les dossiers de leurs clients sur des tablettes qui ne fonctionnent pas… A la fin de la journée, certains dossiers ne contiennent pas d’enquête sociale ;  on a coché la case « trop de dossiers ». Le dernier avocat souligne : « Quand on a pas les moyens de juger correctement, on ne juge pas. Un dossier ne peut pas être incomplet du simple fait qu’il y ait trop de dossiers, il faut être cohérent ». 

Seule bouffée d’oxygène, la comparution de R. après la première suspension d’audience. Né en 1989, il vient d’Orléans. Il demande dans un premier temps le renvoi de son procès, puis hésitant, faute de conseils d’un avocat inconsistant et peut-être influencé par la cour, il accepte la CI. Il est accusé de « violence sans ITT » par une keuf : alors qu’elle le visait avec son LBD, il lui aurait lancé une bouteille de bière sur la main, l’entaillant à l’index. Et c’est prouvé : on a retrouvé des traces de bière sur le LBD !

Lui reconnaît bien avoir bu, mais de la vodka, pas de la bière, et juste un peu, pas assez pour « perdre la tête ». Il interrompt constamment la cour, lève la main pour demander la parole – ou plutôt signifier qu’il va la prendre : « Non, Madame, c’est pas comme ça que ça c’est passé… la policière, là, elle raconte des choses qui se sont pas passées … j’ai été tapé dans les jambes comme ça ! » – il mime les coups de matraque que les condés lui ont porté aux deux jambes. Tombé à terre, il a été ensuite frappé à la tête. A la juge qui s’étonne une nouvelle fois qu’il n’y ait aucune mention de tout ça dans le PV des flics, aucun certificat médical au dossier, il montre sa veste tachée de sang : « Et ça, ça vient d’où ? C’est pas de l’encre, c’est du sang ! J’étais par terre et j’ai pris des coups sur la tête, là – il tourne la tête et montre l’arrière de son crane à la cour -, ça pissait le sang. La policière, elle raconte un truc… alors elle me vise – il mime la scène – et moi je lui cours dessus, comme ça ? Non, mais j’veux pas m’suicider, moi ! »

Devant un tel « accent de vérité », c’est la relaxe… pour les faits de violence ; mais voilà, le prévenu avait aussi sur lui 0.8 gramme de shit et les principes d’accumulation et d’opportunité des délits (voir le compte rendu du 11 février) permettent à la cour de le condamner à quinze jours de prison avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve. L’essentiel, c’est qu’il n’ira pas dormir en taule ce soir, mais il sait qu’il a cette peine au-dessus de la tête pour cinq piges.

En cette seule journée du 18 mars, 61 personnes sont passées en CI et 47 autres affaires étaient en attente de leur jugement. Devant un tel « accroissement de l’activité judiciaire » (voir Quand les juges obéissent au parquet), les 23e  et 24e chambres, qui s’occupent des CI, étaient chacune divisée en deux salles. Difficile d’être présent.e.s dans toutes, et une personne membre du collectif antirépression de Paris nous a transmis le compte rendu de l’audience à laquelle elle a assisté. L’ambiance y était identique et les consignes politiques appliquées avec la même rigueur studieuse.
 « La juge, l’infâme Isabelle Prévost-Desprez, a pris un malin plaisir à jouer les inspecteurs zélés en revenant sur toutes les déclarations des PV afin d’essayer de coincer ou de faire avouer les prévenus. Véritable technique d’interrogatoire en posant des questions, coupant les réponses en reposant une question par dessus. Bref, le silence était sûrement d’or avec ce genre de personnage.

Le proc, quant à lui, a commencé en affirmant sa fierté d’être français et en louant tous les mérites de notre belle France. On sentait le type habitué à prendre ses brunchs au Fouquet’s. Il n’hésitait pas à rappeler à chaque réquisition qu’une femme et un enfant ont failli mourir des flammes de dangereux criminels, alors que certains prévenus étaient juste là pour recel de fringues.

La salle était remplie de journaleux, ça faisait bien longtemps qu’on ne les avaient pas vu aux audiences. Bon, après, ils sont partis à 19 heures -convention collective oblige… D’ailleurs, les petites réflexions de la juge et les déclamations du procureur étaient bien plus théâtralisées lors de la présence des journaleux que vers 21 heures, lorsque nous n’étions plus que dix dans la salle. Nous étions spectateur d’une représentation en 3 actes d’une tragédie bourgeoise. Très peu de bonne défense aussi. On sentait bien que beaucoup de commis d’office étaient là parce qu’il y avait BFM. Dès leur client mis au trou, ils partaient se pavaner devant les caméras.

Voilà un peu pour l’ambiance.

Acte I 14h12

-M., 23 ans. Jamais condamné. Intérimaire avec en moyenne 980€/ mois. Les faits : 16 mars vers Concorde, jet de projectile sur flics. Equipement classique de protec (masque + lunettes) + bouteilles de bières vide. Tout ça dans le sac. + le fameux groupement qui caractérise maintenant toutes les manifestations.

Le prévenu reconnaît les faits et a même attendu de se faire interpeller. La juge l’attaque sur son équipement. M. répond que c’est comme ça qu’on se défend de gaz et que ce n’est pas facile de rester pacifique quand on se fait gazer. Il reconnaît consommer du cannabis, que c’est sa manière à lui de soigner une dépression. Les juges s’acharnent sur sa situation psy.

Proc : 1 ère phrase «  Je suis fier d’être français, fier de cet Etat de droit et de la liberté de manifester. » Ambiance… « Il faut respecter les forces de l’ordre, ils sont là pour assurer la sécurité des personnes et des biens. » « Si on n’est pas stable on ne vient pas en manif où la violence est préméditable. » On échange un regard avec une journaliste d’Europe 1 (eh oui..), genre « Houlà, ça va être long, avec lui ! » Le proc continue : « j’ai parlé avec quelqu’un des Champs hier, qui a eu très peur ». On voit les fréquentations de M. le Procureur. D’ailleurs vu que les faits se sont déroulés vers Concorde, dommage qu’il ne soit pas allé faire un micro-trottoir de ce côté-là. Bref. Il requiert cinq mois ferme avec mandat de Dépôt + confiscation des scellés (équipement+ bouteilles vides ?)

Défense : « je ne vais pas être long » – ça commence bien… Et là on enchaîne sur la dissociation des manifestants. « Les manifestants étrangers sont organisés, équipés, qu’ils ont des cris de guerre pour attaquer, mon client ne fait pas parti de ce genre d’individu » Okayyyyy…. Il intervient sur le fait que le parquet de Paris a demandé des prolongements de GAV pour ne pas que les personnes soient présentées devant un juge le dimanche. Demande la relaxe pour groupement et équipement. Ou une peine de sursis sans mandat. Et s’il faut, rajout d’interdiction de Paris ou de sortir de chez lui le samedi. Grave le délire.

Délibéré : Coupable, six mois de sursis avec mise à l’épreuve pendant cinq ans, obligation de trouver un travail, un domicile, et obligation de soin. Deux ans d’interdiction de Paris

R., 23 ans, apiculteur dans le 45 ; 1 000 euros par mois, prêt de 700 euros par mois. Faits : 16 mars, 18h50, rue de la Boétie. Après un contrôle de flics, présence dans le sac d’une veste et d’un blouson de la marque Morgan avec son antivol + bombe de peinture + pantalon et casquette avec étiquette et chocolats « Jeff de Bruges ». Retenu contre lui : recel pour la veste et le blouson. Accepte la CI. Regrette les faits. La présidente demande si le jogging était à sa taille.

« Pourquoi étiez-vous là ? Vous avez des difficultés financière ? C’est dommage, vous allez expliquer quoi à vos enfants ? »

Le proc : « Qu’est-ce que vous feriez si une bande d’imbécile venait saccager vos Ruches ? Vous avez pensé à vos collègues commerçants ? Vous pensez que tous les commerçants des Champs sont Rothschild ? », «  Des gens ont pillé la plus belle avenue du monde, se servir c’est cautionner le pillage de nos beaux Champs Elysées qui font la renommée de notre pays, c’est pas comme ça qu’on va augmenter le smic à 2 000 euros ».

Requiert : interdiction de séjour à Paris, peine d’emprisonnement de quatre mois ferme sans mandat de dépôt. Défense : « En temps normal, pas de CI pour ce genre d’affaire », dissociation de manifestant. Demande un mois de sursis. Délibéré : Coupable pour recel, trois mois de sursis avec interdiction de Paris pendant un an.

C., 18 ans ; étudiant musicien, pas de condamnation. Fait : 16 mars, visage dissimulé, jet de canette, geste obscène, impossibilité d’interpellation sur les Champs, reconnu rue de la Boétie où il se fait interpeller, dans le camion : coup de pied + crachats. Accepte la CI. Retenu : doigt d’honneur, coup de pied sur flics sans ITT Partie civile d’une flic, Mme PERIER : demande 800 euros pour préjudice + 400 euros.

Proc : quatre mois assortis d’un sursis de cent quarante heures de TIG + obligation de fixer sa résidence, obligation travail ou formation et obligation de soin. Si refus de TIG : quatre mois ferme + interdiction de Paris pendant 1 an. Défense : pourrie. Remise vite fait en cause du travail des flics. A la base C. n’est pas une personne violente, si refus de TIG, demande la transformation du ferme en sursis. C. refuse les TIG en disant qu’il a beaucoup de travail et de stage à effectuer.

Délibéré : Coupable. Six mois de sursis avec mise à l’épreuve pendant deux ans, obligation de domicile, obligation de suivi de scolarité et obligation de soins, indemnisation de la partie civile et interdiction de paris le samedi pendant trois mois.

V., de Caen, street médic. Chômeur, 900 euros par mois, vit chez ses parents. Condamnation en cours à Caen pour groupement + jet de projectiles. Fait : contrôlé aux abords de la manifestation, fin d’après-midi avec deux projectiles dans ses poches, cailloux de 4 centimètres de diamètre. Reproché : groupement, violence, vêtu de noir (casquettes, écharpes) et détention de pierres. Avocat : demande à plaider la nullité, notamment par rapport au groupement puisqu’il a été interpellé par la BAC aux abords de la manif dans un abris-bus. Il a été retenu trois heures après la fin de la GAV. Le proc explique la chose  par les circonstances insurmontables où les flics ont du mal à exercer leur travail. Refus de nullité. La présidente le questionne sur ses fonctions de street médic en lui demandant de préciser quels types de soins il effectue. Elle essaye de le coincer avec ça. Elle revient sur l’habillement tout en noir. Il répond « c’est le dresscode ». Présidente : « ah, comme aux soirées mondaines », (comme si eux, ne respectaient pas un dresscode…). Sur les morceaux de pierre, il dit que c’était pour les ramener à sa mère. La présidente dit qu’il a un grand sens de l’humour et que c’est bien d’avoir de l’humour jusqu’au bout. Compare les morceaux de pierre aux morceaux du mur de Berlin ? Proc : « quand j’étais petit et que mon père allait à Paris, il me ramenait une petite Tour Eiffel en souvenir » / « le bitume de Caen est le même qu’à Paris », insiste sur le fait que ce sont des projectiles.

Requiert : cinq mois ferme avec mandat de dépôt ou 140 heures de TIG, interdit de Paris pendant un an. Délibéré : rejet de nullité. Coupable. Quatre mois d’emprisonnement avec mandat de dépôt.

Acte II – 18h44

B., 26 ans. Ancien militaire, médaillé, mission dans les Dom-Tom et Vigipirate à Paris. Fait : 16 mars, groupement, porteur d’un casque avec Gopro, gilet de combat, gants, morceaux de bitume, détention de cannabis, jet de projectiles, grenade de peinture. On lui reproche en plus de s’être débarrassé d’un marteau. Les plaintes contre jet de projectiles ne sont pas retenues. Reconnaît tous les faits sauf pour le marteau ; il est prêt à poucave la personne qui avait le marteau. Le prévenu regrette.

Présidente : « il y a du regret chez tout le monde, comme si vous descendiez de votre trip » !!? «  Vous caillassez des gens comme vous, qu’on a adoré après les attentats ». « Etes-vous dopé par la violence générale ? ». Elle revient sur ses problèmes de cannabis et dit: « Le cannabis, à l’armée c’est comme en prison : il n’y a pas de problème ! » Le proc : « depuis la fin de l’armée, c’est la dégringolade, ce n’est pas le monsieur que je reconnais à travers ses services »,  « je ne comprends pas que l’on peut être médaillé et basculer ainsi… » Requiert : huit mois avec mandat de dépôt, un mois de sursis et interdiction de Paris pendant un an.

La défense : demande peine plus importante, mais sans mandat. « La prison n’arrangera rien, cela va le ruiner, il faut le remettre sur la bonne voie : métro, boulot, dodo » Okaaaay. Délibéré : dix mois d’emprisonnement sans mandat de dépôt

D., 43 ans, 3 enfants, chauffeur poids lourds, ancien militaire pendant six ans : a fait tous les conflits armés. Fait : 16 mars, groupement, masque, gants coqués, serum phy, recel de vêtement Hugo Boss. Contrôlé aux abords du magasin, il portait sur lui un polo avec un antivol. Accepte la CI La présidente s’attarde sur les gants coqués, le prévenu répond que c’est pour se protéger quand on tombe. « Vraiment, les gants je ne comprends pas, enfin vous dites ce que vous voulez, nous on en fait ce que l’on veut. »

Fait des blagues sur la taille du vêtement, le proc trouve marrant que le prévenu n’est pas vu l’antivol vu son emplacement. La présidente : « C’est un gouffre de se trouver ici, par rapport au courage dont vous avez fait preuve ! » (on se rend compte que quand les prévenus sont d’anciens militaires pacifiques ou non, le tribunal est bien, lui, laxiste). (NDLR ; on irait pas jusque là quand même…)

Le procureur et la présidente sont raccord sur le fait que l’on a rien à faire dans ce genre de manifestation quand on a représenté la France et fait sa fierté. Requiert : un an ferme aménageable ou sursis plus élevé au regard du passé valeureux de monsieur + interdiction de Paris pendant un an.

Défense : pas de violence, dissociation des manifestants, « ceux qui ont commis la casse ne sont pas sur le banc des accusés. » Délibéré : Coupable. six mois d’emprisonnement avec sursis pour recel.

A. 28 ans, sans emploi, 500 euros de RSA, il lui arrive d’être SDF, pas de condamnation. Un prêt à rembourser après qu’on lui ait usurpé son identité. Fait : groupement, équipement, cagoule, gants, genouillères. Interpellé à Madeleine. Fouille du téléphone révélant plusieurs messages datant de la veille et du jour même concernant la manifestation du 16 mars. Accepte la CI.

Le prévenu « mon but était de rejoindre les Champs mais j’ai changé d’avis en croisant la marche pour le climat. » Le proc explose de rire,  et s’étonne qu’on change d’avis si rapidement et qu’on aspire à toutes les revendications du climat. Requiert : quatre mois de prison avec mise à l’épreuve pendant un mois avec obligation de fixer une résidence, travail et interdiction de Paris pendant un an.

Délibéré : relaxé.

S., 20 ans, étudiant en histoire de l’art. Fait : 17 mars, refus de signalétique, 16 mars, groupement, possession de masque et gants, préparation d’un tas de pavés. Demande de délai. La présidente notifie la présence d’un tract antirep lors de la fouille. « vous avez bien respecté ce tract, vous n’avez rien dit en GAV ! » Elle ajoute que les informations du tract ne sont pas véridiques, que nous pouvons revenir sur ce que l’on a dit en GAV même si on a signé le PV. Proc : requiert un contrôle judiciaire

Délibéré : contrôle judiciaire accepté une fois par semaine, justificatif d’études. Procès reporté au 18 avril 2019

R., père d’une fille de 7 mois, vit en roulotte avec femme et enfant. 25 mentions au Casier. Fait : 16 mars, violence, jet de projectiles sans ITT, groupement. Demande de délai de la comparution.

Proc : mandat de dépôt car pas de garantie de représentation. Défense : demande un simple contrôle judiciaire, insiste sur le fait que sa femme et son enfant ne peuvent pas vivre sans lui. Il possède la seule carte bleue et les clés de voiture de la famille.

Délibéré : mandat de dépôt.

22h40 Je ne suis pas resté pour l’acte III.  »

 

 

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